ATTACHEMENT
LES PAYSAGES DES VIGNERONS EN BIODYNAMIE
2014-2021
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Avec Laure Cormier . UMR CITERES / Université de Tours
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Entre approches scientifique et artistique, ce projet vise un double objectif :
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amorcer une recherche sur un sujet encore peu abordé par les sciences humaines et sociales : le rapport sensible que les vignerons entretiennent avec leurs paysages quotidiens
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et retranscrire les résultats d’une recherche sous la forme d’un documentaire audiovisuel.
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Dans le contexte d'une remise en cause du modèle agricole productiviste, et au regard des diverses crises alimentaires, environnementales et économiques actuelles, le monde rural connaît un développement croissant d'agricultures alternatives dites « biologiques », axées sur la durabilité, la multifonctionnalité, la diversité, l'autonomie alimentaire ou encore le développement local. Nous nous intéressons ici plus particulièrement à l'une des premières formes d'agriculture biologique développée en Occident : la biodynamie.
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Au début des années 20, les bases de la biodynamie énoncées par Rudolf Steiner, philosophe autrichien connu pour sa théorisation de la pensée anthroposophique, s’ancrent dans un rapport au monde vivant et au cosmos, prônant une agriculture qui cultive les forces (dunamos) de vie (bios). L’homme est alors considéré comme un élément parmi tant d’autres dans le cosmos, devant vivre en « harmonie » avec la nature. Jusqu'au début des années 2000 les biodynamistes sont relativement méconnus, voire marginalisés par la profession, principalement du fait de leurs pratiques ésotériques. C’est à partir de 2004, à la faveur de la crise que connaissent les AOC (Teil, 2013), que les vins biodynamiques vont susciter un intérêt croissant et apparaitre comme un gage de qualité, voir d'excellence [1].
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Steiner invitant le biodynamiste à se « développer intérieurement afin de prendre conscience du monde qui l’entoure, de sa ferme, de son paysage, de sa planète » d’affiner sa perception afin de « reconnaître l’effet du suprasensible dans le monde matériel » (Garlaneau, 2011), nous avons rencontré des vignerons en biodynamie pour les interroger sur leurs rapports sensibles à leurs environnements, et plus particulièrement à leurs paysages. Puisque « les agriculteurs perçoivent l’espace en fonction des aménagements qu’ils en font et l’aménagent en fonction des perceptions qu’ils en ont » (Berque, 1992), notre objectif est à la fois de comprendre comment ces vignerons agissent sur les paysages et la manière dont ils les perçoivent et les apprécient, tant d’un point de vue écologique, que culturel et social.
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Notre démarche s’articule autour :
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d'entretiens : chaque vigneron est rencontré durant un temps variant de quelques heures à une journée, dans sa cave et dans ses vignes, pendant lequel il est amené à raconter sa pratique de la biodynamie et son rapport sensible aux paysages de ses vignes, et plus largement, environnants.
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de l'immersion sur site : nous restons sur chaque domaine un temps avant et après l’entretien, et si possible, nous y passons une nuit pour nous imprégner du lieu.
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de la récolte sonore et visuelle : nous effectuons dans le cadre et hors de l’entretien des prises de vues photographiques et phonographiques, nous permettant à la fois de retranscrire les entretiens et de pouvoir représenter a posteriori les paysages visuels et sonores des domaines viticoles étudiés.
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Nous avons à ce jour mené une dizaine d’entretiens avec des vignerons biodynamistes du Diois, de Savoie, d’Anjou et du Valais suisse, sur leurs lieux de vie et de travail quotidiens. Les paysages étant par essence multisensoriels, nous avons souhaité retranscrire le plus fidèlement possible ceux de ces vignerons, dans leur dimension matérielle (les formes, plus particulièrement visuelles et sonores, en partie créées par les vignerons dans cette pratique alternative de la viticulture) et idéelle (la manière dont ils sont reçus et interprétés par ces derniers).
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RÉFÉRENCES
Berque A., 1992, « Une certaine conception de l’environnement », Brunet (P.) (dir.), Atlas des Paysages ruraux de France, Paris, Edition de Monza.
Garlaneau V., 2011, Les jardiniers de la conscience, Socialiser l’environnement, habiter la ferme et incorporer le vivant en agriculture biodynamique, Mémoire de maître ès arts en anthropologie, Université Laval, Québec.
Teil G., 2013, Le label AB, dispositif de promesse ou de jugement ? Natures, Sciences et Sociétés, 2013/2, Vol. 21, Paris.
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